Encourager l’émergence locale

Cooperacteurs - Elizabeth Laville

Experte de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, fondatrice du cabinet de conseil Utopies, et spécialiste dans le conseil en développement durable, Elizabeth Laville se confie aux Caisses d’Epargne sur la nécessité de relocaliser les achats.

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Percevez-vous un mouvement de fond de relocalisation de certaines activités économiques en France ?

La crise sanitaire met en lumière la vulnéra­bilité de nos chaînes d’approvisionnement concentrées, mondialisées et à flux tendu, donc très fragiles. Elle interroge également sur la capacité de nos systèmes de production agricole et industrielle à se réorganiser pour faire face aux aléas (sanitaires aujourd’hui mais peut ­être climatiques demain). La Co­vid­19 est un révélateur et, espérons ­le, un accélérateur de notre résilience productive. Ces dernières semaines, des startups, PME ou grandes entreprises ont réorienté leurs outils de fabrication pour produire localement les gels, masques ou respirateurs qui man­quaient. Dans les prochains mois, de nom­breuses filières pourraient être en tension ou en rupture à travers le monde, nécessitant un réajustement similaire des systèmes pro­ductifs. On a aussi vu de nombreuses initia­tives solidaires en soutien aux commerces locaux, un appel au patriotisme économique qui va se poursuivre avec la reprise, comme à Cannes avec la campagne « Relocalisons nos achats » menée par la Ville !

RSE16

Utopies a réalisé en 2018 une étude d’impact socio-économique territoriale des Caisses d’Epargne. Qu’a-t-elle permis de mettre en avant ?

Les études d’impact socio-­économique per­mettent notamment de comprendre et me­surer les effets des financements des Caisses d’Epargne sur le fonctionnement des entreprises locales et, par ricochet (via leurs achats, les salaires versés et taxes payées), sur les emplois et la prospérité du territoire. Elles mettent également en lumière l’interdépendance entre les secteurs écono­miques et la façon dont un crédit immobilier ou un soutien en trésorerie entraîne positivement toute une chaîne de production lo­cale. Tous ces liens tissés et croisés contri­buent aussi à renforcer la résilience du territoire.

Vous avez publié en décembre dernier un ouvrage intitulé Les marques positives, dans lequel vous abordez la notion de réindustrialisation et développement local. Comment le secteur financier peut-il accompagner ce changement de paradigme de l’économie française, peut-être renforcé par la crise actuelle ?

Le secteur financier peut et doit soutenir et stimuler les nouveaux modèles économiques essentiels à la résilience, tout d’abord avec le développement des entreprises capables de répondre à la demande locale. Il doit égale­ment aider les entreprises à faire des « sauts productifs » afin de sécuriser des approvision­nements ou trouver de nouveaux débouchés (mise en relation et synergies entre entre­prises, financement, aide technique, plan de reclassement des salariés, essaimage, appels à projets, innovation ouverte…). Enfin, il faut encourager l’émergence locale de nouvelles solutions productives innovantes, sobres et agiles, comme des micro-usines par exemple, sur des sujets urgents liés à l’alimentation, l’énergie, l’économie circulaire, la mobilité, etc. À titre d’exemple, notre ex-ministre du Redressement productif s’est lancé dans une aventure entrepreneuriale en circuit ultra­court, avec des containers recyclés en micro-usine de crèmes glacées installés directement à la sortie des salles de traite chez des éleveurs laitiers bio.

Lire le rapport Coopér’Actions 2019 des Caisses d’Epargne