« Malgré des difficultés concrètes et étendues, les jeunes se disent majoritairement optimistes »

Dans le cadre d'une interview sur l'étude Caisse d'Epargne "Regards croisés sur la jeunesse", Sandrine Ziza, Directrice Banque, Assurance & Audit mystère de la société d’études Audirep, répond à nos questions.

FNCE : Interroger à la fois les jeunes et les associations : en quoi cette approche vous semble-t-elle originale et pertinente ? 

Sandrine Ziza : Il est difficile de parler « des jeunes » en général sans en prendre au préalable le pouls. Les périodes de confinement et les bouleversements actuels nous invitent à nous interroger sur leurs besoins, leurs attentes, les difficultés qu’ils rencontrent et les solutions envisagées. C’est ici que le regard porté par les associations en miroir de celui des jeunes, est tout à fait intéressant. Est-il en phase, en décalage ? Et quelles sont leurs suggestions pour mieux accompagner cette jeunesse ?
Je trouve que cette initiative de la Fédération nationale des Caisses d’Epargne est très pertinente et permet à la fois de faire un état des lieux et d’envisager des perspectives et pistes d’actions. Le sondage en ligne des jeunes avait pour objectif de fournir une photographie fiable et de pouvoir faire des zooms par tranche d’âge, situation, région… Pour les associations, il s’agissait de fournir de grandes tendances de leur ressenti, mais aussi de les écouter de façon ouverte. Nous avons ainsi recueilli des verbatims extrêmement riches, montrant en particulier l’implication des associations, leur motivation à faire plus et mieux, leur souci des préoccupations des jeunes, avec des mots souvent pleins de tendresse pour ces jeunes.

FNCE : Contrairement à ce que l’on pense et comme le démontrent d’autres études, les jeunes semblent optimistes pour l’avenir alors que les associations les perçoivent comme pessimistes. Comment expliquer cette divergence ? 

Sandrine Ziza : La bonne nouvelle de l’enquête est que, malgré ces difficultés concrètes et étendues, les jeunes se disent majoritairement optimistes. Ce constat qui peut sembler paradoxal est certainement lié d’une part à « la force de la jeunesse » qui, par construction, a son avenir devant elle. D’autre part, et peut-être avant tout, par une conscience aigüe de l’état du monde : des migrations aux guerres, des catastrophes climatiques aux états totalitaires. Il me semble que les jeunes nuancent leurs difficultés et imaginent pour eux-mêmes un avenir positif.
Le décalage avec la perception des associations est intéressant. Cette vision, quasi opposée, peut s’expliquer selon moi de deux façons. D’une part, les structures interrogées prennent principalement en charge des jeunes en difficultés, elles expriment donc au travers de l’étude une perception croissante et un cumul des difficultés. D’autre part, il y a certainement un décalage générationnel : les associations portent finalement un regard d’adulte, voire de parents inquiets sur les jeunes…

FNCE : À la question que signifie « réussir sa vie », les jeunes apportent des réponses qui témoignent d’une soif d’épanouissement et d’équilibre personnel, mais aussi d’aspirations plus matérialistes. Comment analysez-vous ses résultats ?    

Sandrine Ziza : C’est une surprise pour ma part et le décalage à nouveau avec la perception des associations est intéressant. Si exercer un « métier passion » arrive en tête comme aspiration première pour associations et jeunes, ces derniers évoquent ensuite des aspects plus matérialistes voire traditionnels (être propriétaire, gagner de l’argent pour se faire plaisir, se projeter dans une vie de couple stable), et néanmoins altruistes (avoir la capacité de donner de l’argent à sa famille, d’aider les autres). De leur côté, les associations projettent sur les jeunes des aspirations plus idéalistes (faire passer sa vie personnelle avant sa vie professionnelle, découvrir la France et le monde, être son propre patron). Une posture des jeunes en réponse à leurs difficultés et au réalisme imposé par la conjoncture ? Et également une image de la cellule familiale toujours forte dans la vision d’un avenir positif.
Finalement, des jeunes qui demeurent optimistes malgré des difficultés importantes. Préoccupés par l’actualité, ils aspirent à une vie matérielle solide, qui ne néglige ni le sens trouvé dans leur métier, ni la volonté d’aider les autres. Et d’ailleurs, ils s’engagent dans des actions bénévoles diverses pour une large part d’entre eux : 68 % des jeunes de 15 à 29 ans sont ou ont été bénévoles.

Retrouvez l’interview de Sandrine Ziza dans le magazine Culture Coop #8.