L’habitat inclusif : un chez-soi adapté, partagé et accessible

En France, la prise en charge des personnes fragilisées par l’âge, le handicap ou la maladie, est un enjeu sociétal complexe. Entre le maintien à domicile et l'hébergement en EHPAD, peu de solutions à mi-chemin existent pour ces personnes en perte d’autonomie. Pourtant, un modèle émergent aux multiples atouts gagnerait à se faire connaître : l'habitat inclusif.

L’habitat inclusif offre la possibilité à des personnes âgées,  souvent atteintes de troubles cognitifs, de vivre ensemble dans un logement partagé, un peu à l’image d’une colocation d’étudiants. À Zillisheim en Alsace, l’association Familles  Solidaires propose, depuis 2022, à huit personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, un appartement de 300 m². Objectif : leur permettre de vivre dans les meilleures conditions de confort matériel et psychologique.

Jean Ruch

fondateur de l’association solidaire


Dans ce contexte, l’habitat inclusif permet d’éviter que les  familles soient la variable d’ajustement. En permettant à ces jeunes malades de vivre dans un environnement adapté, entourés d’autres personnes partageant des situations similaires, cette solution leur offre un cadre de vie plus dynamique et mieux intégré à leurs besoins spécifiques.  Les activités proposées, l’accompagnement quotidien
et la dimension collective de la colocation contribuent à maintenir une vie sociale active et à retarder le déclin cognitif, tout en offrant un répit aux aidants familiaux.

“On reste chez soi. Mais c’est un chez-soi qui est adapté à la perte d’autonomie et l’isolement en moins”. Pour ce faire, tout  y  est pensé pour faciliter le quotidien des résidents et répondre à leurs besoins spécifiques : des chambres individuelles  spacieuses dotées de rails de plafond pour les transferts en fauteuil roulant, des capteurs de chute intelligents mais aussi une terrasse sécurisée et un jardin sensoriel.

Mais l’une des principales innovations de ce modèle réside dans l’organisation des services d’aide à la personne. Contrairement à un EHPAD où le ratio soignant/résident est souvent faible (0,3 soignant par résident en moyenne), dans ces colocations, auxiliaires de vie, accompagnées par des infirmières libérales et les médecins généralistes se relaient 24 heures sur 24, assurant une présence continue, dans une logique de diminution des coûts pour les habitants. Les familles bénéficient également d’une communication régulière, recevant des nouvelles et des photos de leurs proches, ce qui contribue à renforcer les liens et à apaiser les inquiétudes. Un animateur, financé par le département, propose des activités variées comme l’équithérapie, le bridge, ou des sorties collectives. Cette dimension sociale est essentielle pour maintenir une vie riche et active aux résidents.

Une solution innovante aux problématiques de la dépendance

L’habitat inclusif se révèle également être une solution  adaptée pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives de manière précoce. En France, 4 
% des 1,2 million de personnes touchées par la maladie d’Alzheimer ont moins de 65 ans
. Ces patients se trouvent souvent dans une situation délicate, car les structures traditionnelles, comme les EHPAD, ne sont pas conçues pour  eux : trop jeunes et trop mobiles pour ces établissements, ils se retrouvent souvent sans solution adaptée.

Ce sont souvent leurs proches qui sont contraints de les prendre en charge à domicile, avec toutes les difficultés que cela implique. “Lorsqu’un proche est frappé par la maladie, il faut commencer par passer un master en bureaucratie pour savoir où faire ses demandes”, déplore Jean Ruch. Il faut savoir qu’un tiers des aidants meurent avant leurs proches. Pour ces familles, la charge mentale est énorme.  Nombreux sont ceux qui s’oublient pour leur proche malade, ne vont plus se faire soigner, omettent de prendre soin d’eux-mêmes. « On s’appuie énormément sur la solidarité familiale, parce que la solidarité nationale ne va pas assez loin sur ces situations extrêmement complexes”, regrette Jean Ruch qui a écrit un guide pour venir en aide à ces familles  (“Les proches aidants pour les Nuls”, éditions First). 

Un modèle prometteur

Le gouvernement s’est saisi du sujet et soutient le développement de l’habitat inclusif. En 2018, la loi Elan a formalisé ce modèle et en 2021, les départements se 
sont mis en ordre de marche pour soutenir ces démarches via l’allocation d’aide à la vie partagée (AVP), qui permet  de financer animation et coordination pour réguler et 
organiser la vie quotidienne du logement. Plus qu’une  solution complémentaire aux établissements médico sociaux et au domicile classique, l’habitat inclusif propose
une autre manière de vivre ensemble.

Le montant du capital social de la foncière Familles Solidaires : 7 millions d'euros

La Caisse d'Epargne Grand Est Europe à Familles Solidaires : 250 000 euros versés

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