Vous pilotez Coop FR, qui représente plus de 22 000 coopératives en France. Comment définir ce modèle si particulier, encore parfois méconnu ?
Bastien Sibille : Le monde coopératif est extrêmement vaste et diversifié, mais toutes les coopératives partagent un socle commun. Ce sont des organisations économiques qui agissent sur le marché tout en respectant un cadre légal précis, notamment la loi de 1947. Ce cadre repose sur sept grands principes, parmi lesquels la démocratie : une personne égale une voix, c’est-à-dire que la capacité de vote est déliée de la détention du capital. Ce modèle protège la valeur créée, qui reste dans la coopérative et est redistribuée équitablement. On trouve des coopératives dans tous les secteurs : agroalimentaire, commerce, banque… Des marques comme Candia, Intersport, Biocoop ou Crédit Mutuel en sont issues. Mais au-delà de ces noms connus, ce sont 31 millions de sociétaires et 1,3 million de salariés qui font vivre au quotidien cette autre manière de “faire économie”.
En quoi les coopératives répondent-elles aux attentes actuelles des citoyens ?
Bastien Sibille : Je suis convaincu que nos concitoyens sont en attente d’un modèle économique qui conjugue efficacité et justice sociale et environnementale. Le modèle dominant, s’il reste performant, ne répond plus toujours aux exigences de sens, d’attention portée aux autres ou de respect des individus. À l’inverse, les coopératives placent ces valeurs au cœur de leur action. C’est en nommant ce que nous sommes, en affichant clairement nos convictions, que nous créerons l’adhésion. L’enjeu aujourd’hui, c’est de revendiquer cette place particulière dans le paysage économique et social.
Quel rôle jouent les coopératives dans les territoires ?
Bastien Sibille : Il est central. Nos coopératives sont enracinées dans des tissus économiques locaux. Elles ne sont pas « opéables » : leur gouvernance empêche toute tentative d’extraction de valeur depuis l’extérieur. La richesse créée reste sur le territoire, elle y est réinvestie. C’est vrai des dividendes, encadrés, mais aussi des plus-values de cession. Les coopératives agricoles ou les Cuma, par exemple, sont intimement liées à la terre. Et les SCIC, créées au début du XXIe siècle, intègrent même les collectivités territoriales à leur capital. Mais l’impact des coopératives dépasse la seule économie : en faisant vivre la démocratie au quotidien, elles irriguent les territoires. Les coopératives sont des outils d’empowerment. Cela fait maintenant deux siècles que les coopératives renforcent les territoires, ce n’est pas près de s’arrêter.
Dans un contexte géopolitique tendu, les coopératives participent-elles à la résilience de notre pays ?
Bastien Sibille : Absolument. Avec 40 % du chiffre d’affaires agroalimentaire entre leurs mains, les coopératives sont des piliers de notre souveraineté alimentaire. Elles jouent un rôle comparable dans l’énergie ou la banque. Ce sont des outils d’autonomie puissants face aux tensions internationales, qu’elles soient commerciales ou géopolitiques. Dans un monde où les conflits se rapprochent et où les régimes autoritaires se durcissent, les coopératives portent une force singulière : celle du collectif. Ce n’est pas une force fondée sur les armes, mais sur les liens. Plus le monde se durcira, plus les valeurs coopératives – démocratie, solidarité, justice – seront un atout majeur pour faire société. Alors consommons coopératif, travaillons dans des coopératives, mettons notre argent dans une banque coopérative, en toute conscience !
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