En quoi le sport est-il un enjeu de société ?
Le sport est un secteur qui est sous-analysé et sous-utilisé dans sa capacité à initier des changements sociétaux, alors même qu’il est le sujet préféré des nouvelles générations et qu’il représente un tiers de la diffusion des contenus sportifs – tous médias et tous supports confondus. Il est un aimant d’attractivité et génère ce que l’on souhaite tous : de la cohésion et du lien social. On a tous pu le constater lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 !
Quels sont les domaines dans lesquels le sport a un rôle à jouer ?
On est face à un secteur qui semble uniquement festif, fun et médiatique mais qui va bien au-delà de tout cela, si on l’analyse bien. Il peut transmettre des valeurs extraordinaires comme le respect de la règle, le respect de l’autre et le dépassement de soi. Il joue un rôle majeur dans le domaine de la santé physique et mentale, qui sera la prochaine grande cause nationale. On sous-estime qu’une activité physique régulière peut éloigner certains cancers, peut même en favoriser la guérison et éviter les récidives. Tout ceci est pourtant prouvé scientifiquement.
Le sport contribue à créer une société plus active, et plus active aussi dans la vie de la cité. Une personne qui est active dans son corps, se sentira mieux dans son travail, sera moins souvent malade, et pourra s’investir davantage dans des associations. Elle ira plus voter, et aura davantage de ressources pour se sortir des moments difficiles. Des études prouvent que les personnes sans emploi qui pratiquent une activité physique trouvent plus rapidement un travail.
Comment évalue-t-on l’impact social du sport ?
Le développement durable repose sur trois piliers, on le sait : l’économique, le social et l’environnemental. Évaluer le poids économique du sport dans la société, c’est quelque chose qu’on arrive assez bien à faire : selon les pays, il représente entre 2 et 4% du PIB. Mais déjà sur cet axe-là, on n’analyse pas un pan très important, qui est celui du bénévolat. Or l’activité d’engagement volontaire et bénévole représente un poumon de citoyenneté non négligeable qui n’est pas, non plus, assez valorisé et analysé économiquement. De la même manière, les bienfaits du sport sur la santé et les économies qui en découlent sont sous-évalués. Une société qui est active coûte beaucoup moins cher, dans le sens où elle permet à la sécurité sociale d’avoir moins de dépenses.
Concernant le deuxième pilier, sociétal, on est face à des mesures d’impact qui sont complexes, puisqu’on est en sciences sociales. On a des données quantitatives, ce qui est déjà intéressant. On arrive à mesurer le nombre de personnes qui ont eu accès à une infrastructure, le nombre de personnes qui sont venues voir le Relais de la Flamme, par exemple, le nombre de personnes qui vont participer à un événement sportif… Mais cela n’est pas suffisant. Ce qu’il faut impérativement ajouter à cela, ce sont des indicateurs qualitatifs, c’est-à-dire de pouvoir voir, en profondeur, comment une action agit sur une population donnée, sur un territoire donné et sur un sujet donné. Si on évite ces indicateurs qualitatifs, on risque de passer à côté de réels changements sociétaux.
Êtes-vous déjà en mesure de tirer un bilan de l’héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques ?
Une mesure d’impact doit vraiment cibler une population, un sujet et un territoire. Ça va être très difficile, voire impossible, de mesurer l’impact des Jeux Olympiques sur toute la France ou au-delà et sur toutes les externalités du sport. Des études sont en cours afin d’évaluer si l’on a vraiment atteint les objectifs du président de la République, c’est-à-dire des millions de pratiquants en plus. On a quand même, en cette rentrée, des indicateurs qui montrent un engouement pour les disciplines qui ont ramené des médailles, avec par exemple beaucoup d’enfants inscrits à la natation. Mais passée l’euphorie, il y a un risque de « pschitt d’intérêt » autour de l’activité physique et des vertus apportées par les Jeux. C’est pourquoi il ne faut pas cesser d’en parler. C’est ce que l’on va faire le 18 décembre prochain lors du colloque organisé par notre Think Tank avec le soutien de la FNCE sur l’héritage des Jeux.
Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux parlementaires ?
Ils sont déjà nombreux à se mobiliser contre la baisse du budget sport. Je pense qu’il y a une clé dans l’interministériel : ces parlementaires-là pourraient essayer de pousser le gouvernement à construire une réflexion globale sur le rôle du sport, en lien avec d’autres ministères. Celui de l’Éducation notamment, car nos enfants doivent comprendre pourquoi l’activité physique est essentielle pour eux. C’est aussi évidemment avec les Ministères de la Santé et de la Culture qu’il faudrait travailler cette transversalité. Chers parlementaires, ne laissez pas le sport en queue de peloton !