Dominique Goursolle-Nouhaud

INTERVIEW – Dominique Goursolle-Nouhaud « Le modèle Caisse d’Epargne est un modèle d’avenir »

Un an après son élection à la tête du Groupement Européen des caisses d’épargne et banques de détail (ESBG – European Savings and Retail Banking Group), Dominique Goursolle-Nouhaud revient sur les principaux chantiers engagés et se confie sur les valeurs qui guident son mandat.

Quel bilan tirez-vous de cette première année à la tête du Groupement européen des Caisses d’Epargne ?

Cette première année de gouvernance s’est inscrite dans un contexte délicat, marqué par de multiples crises aux niveaux européen et international.  Ces crises ont mis en lumière la nécessité de se rassembler pour œuvrer collectivement. Face à cette situation, les caisses d’épargne ont démontré leur utilité et leur résilience. Au terme d’une année d’engagement où l’approche sociétale a été déterminante, pour ne pas dire fondamentale, je suis très satisfaite de constater que nous avons su faire front commun pour bâtir une démarche qui repose sur l’intérêt général et des valeurs sociales qui me portent dans l’exercice de mon mandat. En plus de ma fonction au sein de l’ESBG, je suis présidente de la Fédération nationale des Caisses d’Epargne. Représenter les intérêts des Caisses d’Epargne françaises au travers de leur modèle coopératif de banque-assurance 100% régionales, pionnières dans les transitions de la société et qui appartiennent à leurs clients-sociétaires, nourrit les discussions que je mène avec mes homologues européens. Attentive à l’impact positif de chacune de nos décisions, je suis porteuse d’un certain nombre de valeurs, comme l’inclusion financière, particulièrement en ces temps difficiles où les inégalités se creusent. Ce sont des valeurs auxquelles je crois depuis de nombreuses années et qui renforcent mon action. Et il reste tant à faire !

Le fait de représenter les Caisses d’Epargne vous aide-t-il à défendre ses valeurs ?

Absolument ! Quand on représente les Caisses d’Epargne françaises, on porte leurs valeurs et leurs convictions. On est fière d’incarner un modèle unique, attentif à chacun, qui contribue au développement économique et sociétal des territoires et qui s’attache à être au premier plan des grandes transformations de la société. Le challenge est d’expliquer notre différence aux autres pays et aux instances régulatrices, telles que la Banque Centrale Européenne (BCE), dont les intérêts peuvent parfois diverger. Je crois profondément en la banque équitable. Selon moi, le modèle Caisse d’Epargne est un modèle d’avenir. Nous traversons le temps et les crises en protégeant et en accompagnant les plus défavorisés. Si bien que lorsque je suis autour d’une table avec mes homologues européens, je n’ai pas de leçon à recevoir car je sais que nous sommes pionniers !

Dans l’exercice de vos fonctions, être une femme change-t-il la donne ?

Oui, j’ai l’impression qu’il y a moins de rapports de force. Mes collègues masculins prennent des gants avec moi (rires) ! Et cela crée un certain consensus.

En revanche, mon expérience relativement positive en tant que femme cadre dans un monde d’hommes ne change rien au fait que dans le secteur bancaire, on a tendance à surévaluer les traits de leadership dits « masculins » comme le charisme, la confiance et la décision, et on sous-estime les traits jugés « féminins » tels que l’empathie, l’humilité ou encore l’intelligence émotionnelle. Les gens peuvent avoir des préjugés envers ce qu’ils croient être de « bons » comportements, ce qui tend à sous-évaluer ce que les femmes apportent à la table. Mais je voudrais rappeler une citation de Christine Lagarde qui disait en 2010 : « si Lehman Brothers avait été ‘Lehman Sisters’, la crise économique d’aujourd’hui serait clairement différente. » C’était une boutade, bien sûr, mais ça résume très bien la situation et je pense que c’est toujours d’actualité.

Par ailleurs, en tant que femme je me donne pour mission de porter le sujet de la place de la femme dans le monde financier. Je suis très fière d’avoir contribué à l’organisation de la conférence « My world, my knowledge, my future : a female approach to financial education », première du genre à mettre en lumière l’importance du rôle des institutions bancaires dans l’éducation financière des femmes… car sans indépendance financière, aucune liberté n’est possible.

Mais bien sûr le préalable à l’indépendance financière est d’avoir accès à l’éducation, et aussi à l’éducation financière. Je suis convaincue que garantir à toutes les femmes l’accès à une éducation de qualité est essentiel pour respecter leurs droits et accélérer la construction d’un monde juste et durable dont nous avons tous besoin. À cet égard, je dois dire que je suis très fière de prendre la tête d’une institution qui accorde la priorité à l’éducation financière.

Quelle a été votre plus grande fierté jusqu’ici ?

Je pense que c’est d’avoir réussi, avec les membres de l’ESBG, à trouver une solution européenne commune et en urgence, dès le début de la crise ukrainienne. En un week-end, les membres ont affirmé leur soutien en s’engageant à annuler les frais de transactions sur les virements bancaires vers l’Ukraine. Ce n’était pas une mince affaire, car ce pays ne faisant pas partie de l’Union Européenne, il a fallu effectuer toutes les opérations « à la main ». Nous, les caisses d’épargne européennes, nous avons réagi en concertation et pris un engagement fort et solidaire.

Outre ce soutien, l’une de nos initiatives les plus importantes de l’année écoulée, c’est que l’ESBG a affiné sa stratégie de plaidoyer en définissant les priorités et les dossiers politiques clés sur une base semestrielle en consultation avec les membres de chaque comité de l’ESBG. Grâce à notre stratégie de plaidoyer renouvelée, 67 % des amendements de l’ESBG à des dossiers clés de la législation de l’UE ont été retenus par les décideurs politiques. Comme prouvé, le fait que nous soyons plus forts ensemble ne fait pas que faire entendre nos voix ; il garantit également que nos messages sont pris en compte par les plus hauts législateurs. Par conséquent, notre objectif permanent est de faire entendre la voix des banques de détail et d’épargne tant au niveau européen qu’au niveau mondial.

Quels sont vos défis à venir ?

J’aimerais approfondir notre coopération au niveau européen, notamment avec la CaixaBank avec qui il me semble important de partager les bonnes pratiques en termes d’innovations inclusives. Il faut que nous travaillions main dans la main pour développer le microcrédit, afin que les ménages les plus modestes puissent bénéficier d’accompagnements et de financements adaptés. J’aimerais aussi relever le défi de redorer l’image du banquier et de la banque. Pour ce faire, il nous faut fournir un effort de communication et d’acculturation supplémentaire auprès du grand public qui méconnait encore trop souvent notre modèle. Nous nous devons de le faire connaître au plus grand nombre !

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