Interview : construire et diffuser l’économie sociale et solidaire

Créé en 2010, le Labo de l’ESS nourrit une réflexion sur l’économie sociale et solidaire et diffuse ses enseignements pour construire un socle commun de connaissances et de pratiques. Rencontre avec Hugues Sibille, son président, qui nous livre les principaux sujets d’intérêts du think tank et les futurs enjeux de l’ESS.

Hugues Sibille

président du Labo de l’ESS, président d’honneur de la Fondation Crédit Coopératif, expert auprès de la Commission européenne et administrateur de plusieurs structures de développement de l'ESS.

En quoi consiste le rôle du Labo de l’ESS ? Pouvez-vous nous rappeler à cette occasion quelle est la définition de l’économie sociale et solidaire ?

Hugues Sibille : Créé en 2010, le Labo de l’ESS est un think tank dont l’objet est, en partant des initiatives et solutions de terrain, de capitaliser et de diffuser les expériences innovantes de l’économie sociale et solidaire (ESS), de nourrir la réflexion de son écosystème et de contribuer à son rayonnement dans le débat public. Le fil rouge actuel des travaux du Labo porte sur le rôle de l’ESS dans une transition écologique juste et durable. L’ESS est avant tout un mode d’entreprendre, orienté vers des projets d’utilité sociale et écologique, avec une lucrativité limitée et une gouvernance participative, replaçant l’économie et l’entrepreneuriat, non comme une fin en soi, mais comme un moyen au service du bien commun. L’ESS vise un triangle réussi entre des valeurs, des statuts et des pratiques réelles. Elle doit tenir sa promesse qui met l’accent sur la coopération et la solidarité plus que sur la concurrence et sur la démocratie d’une gouvernance partagée. Elle regroupe ainsi des coopératives, des associations, des mutuelles, des fondations et des sociétés commerciales agissant pour une économie respectueuse de l’humain et de son environnement.

Quels sont les sujets qui font l’objet d’un travail particulier de la part du Labo actuellement ? Comment consulter vos travaux ?

Hugues Sibille : En 2022, le Labo de l’ESS a profondément travaillé sur le rôle de l’ESS comme vecteur d’une transition écologique juste. Cette étude, publiée en février 2023, amène le think tank à explorer le champ de l’éducation populaire, thématique centrale en 2023-2024. Le Labo de l’ESS déploie une forte activité sur la
coopération territoriale. Tout d’abord, en continuant à soutenir le déploiement des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), mais aussi en travaillant sur l’accompagnement et le financement des coopérations sur les territoires. Dix ans après un premier rapport, le Labo de l’ESS a engagé un travail sur « La place de l’ESS
dans l’analyse économique »
en interrogeant des économistes français influents, issus des divers courants de pensée, orthodoxes et hétérodoxes. Un ouvrage a été publié en septembre 2023. Les enseignements issus des travaux du Labo de l’ESS sont restitués à travers différents formats (écrits, audiovisuels, événementiels) afin de constituer des communs, accessibles à tous. Ces travaux sont toujours en accès libre sur le site internet et le Labo de l’ESS en favorise l’appropriation par les acteurs de terrain. Découvrez ces travaux sur www.lelabo-ess.org.

Selon vous, quels sont les enjeux auxquels va être confrontée l’ESS à l’avenir ? Quels sont les horizons auxquels il convient de s’intéresser particulièrement ?

Hugues Sibille : L’ESS est, comme le reste de l’économie et de la société, confrontée à la question écologique et aux menaces que le mode de développement actuel fait peser sur la planète. Sa spécificité et sa plus-value doivent tenir dans l’articulation entre la transition écologique et l’inclusion sociale autour de l’idée de transition
juste. L’ESS est confrontée à un enjeu important d’équilibre entre un nécessaire changement d’échelle de son rôle dans l’économie de demain sans pour autant se banaliser. Elle doit passer des alliances ou des partenariats avec les entreprises et secteurs qui s’impliquent dans une transition durable, sans se fondre ou disparaitre, en évitant notamment des pratiques de social ou de greenwashing. Dans une société qui se digitalise, où le travail se transforme à grande vitesse, où l’intelligence
artificielle gagne du terrain, l’ESS doit savoir aller vers des innovations si elles sont utiles. Cela pose la question à terme d’une articulation entre les approches de l’ESS et celle des « communs » définis par Elinor Ostrom, Nobel 2009 d’économie. Le point positif de la dernière période est la forte poussée de l’ESS sur le plan international, avec un Plan d’action européen (2022), une déclaration à l’ONU et une recommandation ESS de l’OCDE (2023). Le Labo de l’ESS est donc fortement
engagé sur le terrain européen.

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