« C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 ». Emmanuel Macron avait reconnu le 14 octobre dernier le mal-être des jeunes. La France était au milieu de son deuxième confinement. Force est de constater que la santé morale des 18-30 ans ne s’est guère améliorée en ce printemps qui coïncide avec une troisième vague de Covid 19 et une nouvelle phase de restrictions à la liberté d’aller et venir, d’étudier et de travailler.
Les jeunes figurent en première ligne parmi les victimes de la crise économique, la plus grave depuis la récession des années 30, provoquée par ce « virus inconnu et planétaire » « Presque personne en vie aujourd’hui n’a vécu sa jeunesse pendant une pandémie mondiale. Cette crise a servi de loupe, mettant au premier plan les problèmes sous-jacents des jeunes.
J’espère sincèrement qu’elle sera la dernière crise la plus importante de leur vie. » analyse Todd Howland, haut responsable du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) qui a effectué une lourde étude avec l’Organisation Internationale du Travail (OIT) portant sur 12.000 jeunes de 18 à 29 ans.
Précarisation et dépression
La « génération confinement » ainsi que certains sociologues l’ont dénommée, aura accumulé les chocs depuis l’apparition du Covid 19 en janvier 2020.
Une enquête réalisée en février par l’institut Odoxa dresse un état des lieux en France : 51 % des jeunes de 18 à 34 ans ont subi une perte de pouvoir d’achat et 56 % connu un état dépressif. Un malaise qui n’est pas moins vif chez les lycéens et étudiants de 15 à 20 ans interrogés en février par l’institut BVA pour le média L’Etudiant : ils sont ainsi 76 % à exprimer leurs craintes sur la difficulté à financer leurs études ou à trouver un job.
La crise sanitaire, relevait début avril un comité d’experts piloté par France Stratégie, organisme chargé de conseiller le gouvernement, a souligné les limites du système actuel qui rend les jeunes de moins de 25 ans- non éligibles au RSA- tributaires de petits boulots ou de l’aide de leur famille alors que « les difficultés du monde du travail et les pertes de revenus des parents redoublent leur vulnérabilité ».
Précarisation – un jeune sur deux a dû réduire ses achats alimentaires-anxiété, angoisse même pour leur avenir. Peut-on alors parler d’une « génération sacrifiée » ? Toujours est-il que les Français partagent cette opinion, estimant que les plus âgés ont été favorisés dans le traitement de la crise sanitaire, faisant craindre l’émergence d’un conflit des générations. Selon cette enquête d’Odoxa, 81 % considèrent que « les jeunes et les étudiants sont les plus mal pris en compte dans les décisions gouvernementales ».
Même conclusion d’un sondage de l’institut Elabe : seul un tiers de Français (35 %) juge que la société a fait ce qu’il fallait pour les accompagner face à la crise. Une opinion récusée naturellement par les autorités officielles qui, assure Thibaut Guilluy, Haut commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, mettent tout en œuvre pour « ne pas sacrifier » cette génération.
Solidarité sous toutes ses formes
Fragilisée, déroutée, en perte de repères et de revenus, la jeune génération peut compter également sur la solidarité intergénérationnelle et sur l’engagement des associations qui ont multiplié les actions et les innovations. Mais, peut-être est-ce là le signe le plus positif, ils ne perdent pas espoir. L’institut Elabe, qui analyse depuis longtemps leur opinion, le constate sans équivoque. En témoignent quelques extraits d’une récente étude. « Les jeunes font preuve d’un optimisme plus marqué que le reste de la société. Ils sont un tiers à penser que la période a permis de renforcer l’unité dans le pays contre 22 % pour l’ensemble des Français. Ils sont plus nombreux à penser que la société post-Covid évoluera dans le bon sens ».
Si l’ascenseur social est en panne en France depuis trente ans, ainsi que le relèvent les sociologues, l’espoir subsisterait donc d’un « autre monde » plus juste, plus égalitaire ? Laissons la conclusion à Bernard Sananès, Directeur de l’institut Elabe : « La jeunesse a de l’énergie pour changer le monde affirment, de manière homogène au-delà des différences de situation, près de 8 jeunes sur 10. C’est ce volontarisme qui leur permet sans doute aussi d’affirmer ( à 68 %) que, malgré la dureté de la crise, avoir 20 ans est le plus bel âge de la vie » .