Un enjeu d’égalité et de performance

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Le Parlement a adopté en décembre une proposition de loi visant à « accélérer l’égalité économique et professionnelle ». À l’origine de ce texte, la députée Marie-Pierre Rixain souligne les bienfaits de la féminisation des instances dirigeantes pour l’équité hommes-femmes et pour la réussite des entreprises.

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FNCE Quel bilan peut-on établir dix ans après la loi Copé-Zimmermann (présentée par Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, alors députés) sur la féminisation des instances dirigeantes des entreprises ?

Marie-Pierre Rixain La loi du 28 janvier 2011 qui avait été, rappelons-le, accueillie avec des réserves, a modifié de manière structurelle la composition des conseils d’administration. Elle a conduit à une quasi-parité (46 %) entre hommes et femmes pour les mandats dans les conseils d’administration et conseils de surveillance pour les grandes entreprises, les 120 du SBF. Ce qui place la France en tête du palmarès européen, loin devant par exemple nos voisins allemands, espagnols, italiens et britanniques, et distançant largement aussi les États-Unis qui se situent au-dessous de la barre des 30 %. Une telle performance prouve que la méthode employée, un quota à respecter, était la bonne : pas de quota, pas de résultat ! L’Allemagne l’a bien compris qui, en légiférant sur la question en 2015, a fixé des quotas. Le taux de féminisation des conseils d’administration y a bondi en cinq ans de 15 % à 33,7 %.

 

FNCE Au-delà de ce bilan comptable positif, le mode de fonctionnement des conseils d’administration a-t-il profité de cette mixité ?

Marie-Pierre Rixain Nous avons assisté à une professionnalisation accrue des conseils. Devant relever ce défi de la féminisation, les groupes ont fait appel à des cabinets de recrutement pour trouver des membres de leurs conseils et cela s’est traduit par une professionnalisation qui n’a pas concerné d’ailleurs seulement les membres féminins. Cet effet vertueux constitue une heureuse surprise. Dans le même temps, l’accès des femmes à ces responsabilités a permis un partage du pouvoir économique et conduit à une amélioration des performances des entreprises. En apportant leurs points de vue, leurs sensibilités différentes, les femmes ont fait avancer l’intelligence collective.

FNCE Cette mixité dans l’entreprise a-t-elle d’autres bienfaits ?

Marie-Pierre Rixain L’idée centrale de la loi n’était pas de priver les entreprises de talents masculins ! Il a certes fallu contraindre les entreprises à faire une place aux femmes mais l’objectif n’était pas de permettre aux femmes de prendre une revanche sur les hommes (sourires). En allégeant le poids qui repose sur les épaules des hommes dans la vie professionnelle, nous leur donnons la possibilité de prendre davantage de responsabilités dans la conduite de la vie domestique et familiale. Il s’agit en fait d’accorder une juste place aux femmes dans la vie économique.

 

FNCE Pourquoi dès lors souhaiter « accélérer l’égalité économique et professionnelle » pour reprendre les termes de votre proposition de loi ?

Marie-Pierre Rixain Avec la loi Copé-Zimmermann, c’est « l’escalier extérieur » qui a été ouvert, en accélérant l’accès des femmes aux conseils d’administration. Mais nous n’avons pas constaté le « ruissellement » espéré dans les autres strates de l’entreprise. L’heure est venue de construire un « escalier intérieur » pour que les femmes puissent arriver réellement aux postes de direction. En 2021, tous les patrons sans exception des sociétés du CAC 40 sont des hommes ! Aux entreprises donc de revoir en ce sens leurs grilles de promotion, d’avancement. La philosophie de notre proposition de loi peut ainsi se résumer : les femmes doivent être accompagnées tout au long de leur vie, quel que soit leur âge, leur parcours, vers un emploi qui les satisfasse. Cela commence par l’enseignement où il faut revenir sur les stéréotypes tenaces qui réservent aux hommes certains métiers. Dans les entreprises, le plafond de verre reste très solide et s’oppose à la promotion des femmes qui comptent pourtant pour 42 % de la population des cadres. Aujourd’hui, les femmes n’occupent que 22 % des postes dans les organes de direction des sociétés du secteur privé (les comités exécutifs – Comex –  et les Comités de direction – Codir). Nous proposons que ce taux de représentation dans les sociétés de plus de 1 000 salariés monte à 30 % pour les 10 % de postes à plus fortes responsabilités dans les cinq ans suivant la publication de la loi et même 40 % huit ans après.

 

FNCE À ce rythme, est-il possible d’imaginer une équité femmes-hommes dans la vie économique ?

Marie-Pierre Rixain Il est indispensable d’avoir une vision à long terme, à l’horizon 2030. Nous devons par exemple aujourd’hui faire face à de réelles difficultés de recrutement dans certains secteurs. Ouvrir l’accès à des postes-clés à des femmes dans des domaines stratégiques comme les hautes technologies permettrait d’y remédier. Plus globalement, quand les entreprises accordent plus de responsabilités aux femmes, elles intègrent des talents supplémentaires, source de diversité et de richesse. Accroître la présence des femmes dans les entreprises, c’est non seulement un enjeu d’égalité entre les sexes mais aussi un enjeu de performance pour l’ensemble de notre économie.

 

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Bio

Députée de la 4e circonscription de l’Essonne, élue en 2017, Marie-Pierre Rixain est présidente à l’Assemblée nationale de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Diplômée de l’Institut d’études politiques de Toulouse, elle a fait ses débuts en politique auprès de Jacques Barrot, député et ancien commissaire européen, avant de devenir consultante dans le secteur de la santé.

 

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