Aujourd’hui encore, les jeunes, les 18-30 ans, se considèrent comme les plus frappés par la crise provoquée par la pandémie du Covid-19. Partagez-vous ce jugement ?
Thibaut GUILLUY. Lors des situations de crise, ce sont toujours les personnes les plus vulnérables et les jeunes qui payent le plus lourd tribut. Lancée au cours de l’été 2020, l’opération « Un jeune, une solution » est l’expression d’un refus du gouvernement, un refus que nous souhaitons collectif de ne pas sacrifier une génération. Ce plan inédit de 9 milliards d’euros avait un double objectif : permettre de développer l’emploi, la formation professionnelle, faire en sorte que plus un seul jeune, excusez l’expression, ne se retrouve sur le carreau, sans accompagnement, sans soutien financier et puisse ainsi échapper à l’extrême précarité.
Quel bilan chiffré peut-on tirer de ce programme ?
T.G. Malgré la crise, près d’1,3 million de jeunes de moins de 26 ans ont été recrutés entre août 2020 et janvier 2021 en CDI ou CDD de plus de 3 mois. C’est presque autant qu’en 2018 et 2019 à la même période. Et parmi eux, plus de 500 000 jeunes ont signé un contrat d’apprentissage, un record historique. Enfin 600 000 jeunes en difficulté ont été accompagnés vers l’emploi.
Ce dispositif global va être amplifié. En 2021, plus de 2 millions de solutions seront proposées aux jeunes qu’il s’agisse d’un emploi, d’une formation ou d’un accompagnement vers l’emploi pour les jeunes les plus en difficulté. Pour maintenir la mobilisation des entreprises en faveur de la jeunesse, les aides seront prolongées, l’aide à l’embauche des jeunes jusqu’au 31 mai et l’aide exceptionnelle pour l’alternance jusqu’au 31 décembre.
Ce soutien se manifeste aussi par une nouvelle mesure d’accompagnement à destination des jeunes des quartiers et des zones rurales, l’action « 1 jeune, 1 mentor ». En se connectant sur le site 1jeune1solution.fr, chacun peut avoir accès à un mentor ou devenir mentor soi-même. L’objectif est que 100 000 jeunes puissent bénéficier de ce dispositif en 2021. Je rappelle aussi que pour les étudiants, plus de 10 000 offres de stage ont été à ce jour proposées sur ce même site 1jeune1solution.gouv.fr en partenariat avec Wizbii, Job Teaser, HelloWork et de grandes entreprises.
Quelle est l’implication des entreprises dans cette action globale ?
T.G. Les acteurs privés sont de véritables partenaires de l’Etat dans la diffusion des mesures de soutien à l’emploi. De nombreuses entreprises sont déjà mobilisées, en soutien financier direct aux associations actives sur le sujet ou via des sensibilisations voire mises à disposition de temps de collaborateurs.
Comment comptez-vous lutter contre l’aggravation des inégalités entre les catégories sociales et les territoires ?
T.G. Le plan de relance décidé par le gouvernement constitue un plan de transformation de notre économie. Il va accélérer les transitions digitales, écologiques et aussi favoriser la cohésion sociale. Sur ce dernier point, c’est tout le sens de mon rôle, nous allons accompagner les politiques permettant d’aller vers une société plus inclusive. Une action qui passe par deux éléments : permettre à chacun de construire un parcours par l’accompagnement, la formation et l’accès au travail, dans plusieurs domaines, celui du handicap, de l’insertion par l’activité économique…
Nous voulons travailler sur l’engagement des entreprises à développer leur pratique inclusive, c’est-à-dire leur capacité à accueillir la singularité, la diversité, à les considérer comme une véritable force.
C’est l’objet du Campus pour l’inclusion ?
T.G. Le Campus pour l’inclusion a pour vocation de former et d’accompagner l’ensemble des dirigeants des entreprises à « agir inclusif » : comment, concrètement, acheter, recruter, innover. Il s’agit de démontrer qu’il est possible de réconcilier les performances économiques opérationnelles et les performances sociales des entreprises.
Quel regard portez-vous sur l’engagement des Caisses d’Epargne sur ce terrain ?
T.G. Le soutien des Caisses d’Epargne est absolument précieux. C’est toute l’histoire des Caisses d’Epargne de croire au collectif. Qu’est-ce que le modèle coopératif si ce n’est se mettre ensemble au service du développement économique et social des territoires ? Cette vision-là est dans l’ADN des Caisses d’Epargne. Ces valeurs inspirent et accompagnent les actions que nous menons au Ministère du Travail.C’est donc tout naturellement que nous nous retrouvons sur ce plan-là.
De surcroît, concrètement, les Caisses d’Epargne au niveau local innervent tous les territoires dans leurs diversités. Il est donc précieux également de pouvoir s’appuyer sur leur mobilisation pour pouvoir aller à la rencontre des chefs d’entreprise et accompagner ceux qui veulent devenir inclusifs.
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Biographie
Diplômé de l’ESCP, Thibaut Guilluy a une expérience de 20 ans dans l’inclusion. Directeur général pendant 13 ans du groupe Arès spécialisé dans l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, il avait été nommé en décembre 2018 président du Conseil de l’inclusion dans l’emploi, structure regroupant les acteurs du secteur (pouvoirs publics, réseau associatif, entreprises et partenaires sociaux).