La FÉDÉRATION NATIONALE DES CAISSES D’EPARGNE (FNCE) a créé en 2007 le dispositif Écureuil Coopération dont la vocation est d’organiser des missions de « banquier solidaire » des Caisses d’Epargne, basées sur le bénévolat de compétence et les actions de lobbying à l’international. Dans le cadre de ce dispositif, salariés et retraités du réseau partent bénévolement, durant une à trois semaines, pour transmettre leur savoir-faire professionnel.
Frédéric LACOMBE, Directeur Marketing Animation Support au sein de la BDR (Banque du Développement Régional) à la Caisse d’Epargne Rhône Alpes (CERA), a choisi d’accomplir une mission d’accompagnement bénévole au Vietnam. Il nous livre ses impressions avant et après.
Interview avant le départ
Gratiane Voignier : Frédéric, pourriez-vous présenter votre parcours et votre projet de mission d’accompagnement au Vietnam ?
Frédéric Lacombe : Je suis Diplômé d’études supérieures comptables et financières (DESCF). Je suis rentré à la Caisse d’Epargne Rhône Alpes (CERA) en 1996.Mon projet de mission au Vietnam sera de former les « team leaders » (directeurs d’équipe) de la banque vietnamienne LienvietPostbank sur l’appréciation du risque client pour une clientèle de particuliers.En effet, lorsqu’une banque octroie des crédits, elle vérifie la solvabilité du client pour limiter le risque (perte d’argent). Une fois l’étude de solvabilité réalisée, le crédit est octroyé ou non.
GV : La genèse de ce projet, c’est cette sensibilité pour les pays étrangers et leur histoire : ce que la différence peut apporter réciproquement. Ainsi, pour préparer ce projet, comment vous y êtes-vous pris concrètement ? De quelle façon tout ceci s’enchaîne ?
FL : Je pense qu’en ce qui me concerne, cela a été plus simple que pour certains car sur cette mission spécifique l’expertise métier réclamée correspondait parfaitement avec mon expérience. Avec 13 ans d’expérience passés dans les métiers du risque crédit j’ai pu convaincre la Fédération nationale des Caisses d’Epargne lors de l’entretien qu’elle m’avait accordé après étude de mes motivations et de mon CV.
GV : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette préparation ?
FL : J’ai dû rédiger mon CV en anglais à l’intention du Conseil d’administration de LienVietPostBank, qui l’a étudié et validé. J’ai également eu une visioconférence avec la banque et Olivier BEAUME, Directeur formation institutionnelle et internationale de la FNCE. Kani HERAULT, Chef de projet Relations Internationales à la FNCE, qui gère Ecureuil coopération, m’a ensuite accompagné dans la mise en place de la mission. Le temps de préparation est assez long. Pour préparer les cours, il m’a fallu 2 semaines de travail, (50 heures de travail au total) et quelques échanges d’e-mails avec eux. Enfin, la banque du Vietnam m’a fait parvenir plusieurs thèmes de travail et m’a détaillé ce qu’elle attendait de ma mission.
GV : Partez-vous avec d’autres personnes de la CERA ? Qui allez-vous retrouver sur place ? Combien de temps partez-vous ?
FL : Je pars seul. La durée de la mission est de 10 jours. Le laps de temps pour préparer la mission est assez court ; le temps de m’acquitter des formalités administratives, de poser mes congés et de préparer ma valise…
GV : Quels sont les objectifs attendus de cette mission ?
FL : Ma mission se déroulera au sein de la Banque Postale du Vietnam, dans 2 villes différentes, pour une vingtaine d’élèves par cours : j’ai un cours à Hô-Chi-Minh-Ville (2 jours) et un cours à Hanoï (2 jours).
Il y aura 5 workshops (échange avec les élèves) et 10 heures d’interaction avec eux sur les 2 jours. L’un des objectifs sera de présenter notre manière de travailler avec des cas concrets et de donner des exemples de nos bonnes pratiques. Confronter leurs pratiques en fonction de ce que je leur aurai expliqué sera, sans aucun doute, très intéressant. Un traducteur français-vietnamien est prévu pour mieux comprendre toutes les subtilités. J’ai par ailleurs repris quelques cours d’anglais avant de partir.
GV : Avez-vous des appréhensions ? Si oui, voulez-vous nous les partager ?
FL : J’ai peu d’appréhension sur le déroulement des cours car j’en ai déjà donné au Centre de Formation de la Profession Bancaire (CFPB) il y a quelques années. J’espère cependant que l’on se comprendra lors des échanges spécifiques.
Le climat et les moustiques me posent question également…Je n’ai pas de vaccin à faire avant de partir. En ce qui concerne la tenue officielle du banquier, elle est la même qu’en France.
GV : Qu’attendez-vous de ce voyage ? Comment vous l’imaginez-vous ?
FL : J’ai toujours voulu avoir une expérience de travail à l’international : cette opportunité s’offre aujourd’hui à moi. En France, quand une banque octroie un crédit à une personne en CDI, le risque est faible. Au Vietnam en revanche, une part très importante de la population n’a pas de CDI et change de travail régulièrement, parfois non pas pour gagner plus mais par pression de la famille qui souhaite transmettre le petit commerce familial. C’est ainsi que les revenus des Vietnamiens peuvent varier fortement. Le contexte familial a donc un poids très important dans ce pays et le risque crédit en dépend. Notre approche n’est donc pas la même ; il sera ainsi très intéressant d’analyser la façon dont ils étudient ces facteurs. Ce qui m’intéresse le plus dans ce voyage est d’être en interaction avec les banquiers vietnamiens. Je veux qu’ils me racontent leurs difficultés, ce à quoi ils sont confrontés, afin que je leur apporte des solutions concrètes.J’aimerais, à mon retour, créer un groupe en interne avec ceux qui sont déjà partis pour aider d’autres collègues à se lancer.
GV : Je vous donne rendez-vous après votre mission pour avoir votre retour d’expérience. Nous vous souhaitons un beau voyage et de belles rencontres !
Retour sur la mission
Frédéric LACOMBE reconnait que sa mission bénévole représente une véritable implication sur son temps personnel, tant pour la préparation que sur place.Malgré tout, il est revenu enchanté de son voyage coopératif car il a rencontré des personnes extraordinaires. Grâce à ce dispositif, il a également pu lier le bénévolat au tourisme en découvrant un pays où la vie est bien moins chère qu’en France. Il est parti à la rencontre d’un peuple qui dispose d’une réelle envie de changer les choses et de faire évoluer le pays. Frédéric réfléchit déjà pour y retourner afin de poursuivre ce qu’il a commencé…
GV: Bonjour Frédéric, vous voici de retour parmi nous, après 10 jours au Vietnam. Ce que vous attendiez de cette expérience était de transmettre vos connaissances et d’apprendre des différences pour revenir avec des sujets de réflexion. Cette attente a-t-elle été concrétisée ?
FL : Oui car j’ai ramené dans mes bagages 3 sujets de réflexion que je vais vous citer. Il faut savoir avant tout que le risque crédit au Vietnam est élevé. Les Vietnamiens peuvent posséder plusieurs pièces d’identité différentes et se rendre dans différentes banques pour demander des crédits. Beaucoup ne déclarent pas leurs impôts et n’ont pas de fiche de paie. La banque octroie des crédits, en majorité, sur la confiance. L’influence du contexte occidental génère ainsi de nouveaux comportements et leur système administratif n’est pas assez solide pour s’adapter à ces changements. Pour compenser cette prise de risque, les taux sont élevés.
Après ces constats je propose les pistes de réflexion suivantes :
- Bâtir un référentiel des métiers existants au Vietnam afin d’avoir des références sur les niveaux de revenus pour chaque profession et par zone géographique ; créer une base de données pour chaque profession avec un salaire de base. Sans cela, il restera difficile d’évaluer la capacité de remboursement des emprunteurs.
- Développer un système de notation robuste : j’ai remarqué que les commerciaux n’ont aucune confiance dans leur système de notation. C’est pourtant l’un des piliers du risk management. Il y a évidemment quelque chose à faire. Le système de notation doit être renforcé et testé afin que les employés de la banque puissent s’appuyer dessus pour gérer le risque, à la fois au moment de l’octroi mais aussi sur toute la durée du crédit. Au-delà de la notation du portefeuille, la banque pourrait se doter d’un système de scoring afin de rendre plus rapide la décision.
- Mettre en place un guide des bonnes pratiques. Les workshops ont permis aux collaborateurs de se rencontrer, de se connaître et d’échanger leurs bonnes pratiques. Mon troisième sujet est tout naturellement de mettre en place un guide des bonnes pratiques qui pourrait être diffusé par un réseau intranet.
GV : Concernant votre appréhension sur le climat ? Les moustiques ?
FL : Il n’y avait pas de moustiques car je suis resté en milieu urbain. Le climat est assez difficile, très humide et très chaud. A Hô-Chi-Minh-Ville, il est difficile de respirer. L’air est très humide et il y a beaucoup de pollution.Ce qui m’a surpris, c’est le fait que les Vietnamiens soient ultra connectés malgré la pauvreté. Il y a du wifi partout et beaucoup ont un smartphone de dernière génération. Les informations, le savoir, sont très importants pour eux. Je conseille à mes collègues de tenter cette expérience. Ce n’est pas que donner du temps pour les autres, cela va bien au-delà. L’immersion permet de s’imprégner de la culture et des usages d’autres populations. Cela permet aussi de bien relativiser et de revenir avec beaucoup d’optimisme car le peuple vietnamien est dopé à l’optimisme malgré toutes les difficultés de la vie quotidienne. En conclusion, on grandit beaucoup de cette expérience à la fois professionnellement et personnellement.