Œuvrer pour le collectif

Jérôme Fourquet - Caisse d'épargne

Selon Jérôme Fourquet, analyste politique et directeur du département Opinion et Stratégies d’entreprise de l’institut de sondages IFOP, dans le monde post-crise sanitaire les entreprises devront répondre à la question centrale de leur raison d’être.

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Quel regard portez-vous sur la période que nous traversons, à l’heure du dé-confinement ?

Nous sommes en train de passer d’un état d’urgence sanitaire à un état d’urgence éco­nomique et social. Celui­-ci va s’imposer comme thème unique dans les prochains mois. La machine économique va mettre du temps à repartir car une partie des Fran­çais vit encore avec la peur du Covid. Cette peur a été un puissant adjuvant pour faire tenir et respecter le confinement mais elle est tellement ancrée dans la tête de nos concitoyens qu’elle va constituer un frein à la reprise de l’activité. Devant cette priorité économique et sociale, toutes les réflexions philosophiques sur « la France d’après­ demain » ou « rien ne sera plus jamais comme avant » vont être remisées sur les étagères.

Maxime Roques - Caisse d'épargne -Infographie

Au niveau des entreprises et des collectifs de travail, la période qui s’ouvre va être marquée par de fortes tensions et des bouleversements. Dans de nombreux secteurs, il y aura une forte pression pour retrouver le chiffre d’affaire perdu, assurer la péren­nité voire la survie de certaines entreprises.

Cette crise va-t-elle avoir des répercussions sur le rapport à la consommation dans notre société ?

En matière de consommation, certaines tendances, déjà à l’œuvre avant l’épidémie, vont s’accélérer. Nous assistons à une polarisation de la société entre deux popula­tions. Les catégories supérieures et classes moyennes supérieures veulent prendre du recul par rapport à la société de surcons­ommation. Elles ont consommé beaucoup plus de bio pendant le confinement, ont renforcé leurs achats dans les circuits courts et sont dans une posture « consommer moins mais consommer mieux ». Face à elles, une part très importante de la popu­lation, souvent socialement et économique­ment moins favorisée, n’entend pas renoncer à son mode de vie actuel, dans lequel la consommation tient une place très im­portante. Avec la crise économique et so­ciale qui commence à frapper très dur, cette catégorie de population va être soumise à une tension interne entre ce qu’on pourrait appeler son « vouloir d’achat » et son pouvoir d’achat, qui va être fortement contraint. Cette logique d’arbitrage contraint, de pou­voir d’achat rogné, va s’exprimer à plein dans les mois qui viennent. À cette tension interne va s’ajouter une forte pression mo­rale du reste de la société, qui considère qu’il faut aller plus vite sur la transition éco­logique, avoir un autre rapport à la consom­mation et arrêter de faire n’importe quoi avec les écosystèmes.

Quels sont les enjeux à venir pour les entreprises ?

Jérôme Fourquet - Caisse d'épargne 2

Pour les acteurs économiques de premier plan que sont les entreprises, la question centrale sera celle de la raison d’être. Cette notion qui anime les cénacles patronaux ne parle pas aux Français mais renvoie à une préoccupation essentielle, celle de l’intérêt général, du supplément d’âme et de la ca­pacité des entreprises à œuvrer pour le collectif. Les questions qui vont être posées aux entreprises, comme celles du secteur bancaire, sont « où étiez­ vous et qu’avez ­vous fait pendant le confinement ? », « que faites ­vous pour le collectif, pour votre pays, pour votre territoire, pour le tissu de PME dans lequel vous évoluez ? ». Dans ce cadre, des banques comme les Caisses d’Epargne, fortement implantées dans les territoires, ont tout intérêt à montrer, ce qu’elles font déjà, que leur raison d’être, leur priorité, c’est d’irriguer ces territoires, de les soute­nir et de jouer leur rôle le plus collectivement possible, notamment avec le tissu de PME qui sont leurs clientes.

Lire le rapport Coopér’Actions 2019 des Caisses d’Epargne