Histoires de femmes, histoire de Caisses d’Epargne

Marie Curie Sklodowska

Il faut attendre le 13 juillet 1965, et la réforme du régime matrimonial de 1804, pour que la pleine capacité bancaire soit octroyée aux femmes. Cette réforme qui ne s’applique que le 1er février 1966 est le fruit d’un long mûrissement législatif, qui commence avec la Caisse d’Epargne…

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En 1818, la Caisse d’Epargne crée en effet un organisme ouvert à tous, sans exclusive, notamment aux femmes mariées, consacrées comme incapables majeures par le code napoléonien. Avec les lois du 9 avril 1881 et du 20 juillet 1895, ces dernières peuvent désormais ouvrir et utiliser seules leur livret d’épargne, sans l’aval de leur époux. Une entorse au régime matrimonial qui durera plus de 80 ans ! Cette mesure, «révolutionnaire » pour l’époque, a fait alors l’objet de maintes controverses, à la chambre des députés notamment ; l’actualité a été relayée dans la presse et jusque dans les salles de spectacles.

Les femmes font partie par ailleurs, dès la fin du XIXe siècle, du personnel salarié des Caisses d’Epargne, ce qui fait figure d’exception dans l’univers bancaire. Avec la Première guerre mondiale, leur nombre augmente. En 1927, il est officiellement rappelé qu’il « n’y a aucune distinction de sexe pour la nomination des emplois d’agents dans les Caisses d’Epargne ».

Longtemps avant l’adoption, en janvier 2011 de la loi Copé-Zimmermann sur la parité hommes-femmes dans les Conseils d’administration des grandes entreprises, l’entrée de représentantes féminines comme administrateurs est d’autre part mise en discussion dès 1912 au sein des Caisses d’Epargne. Ces dernières sont ainsi également relativement pionnières en ce domaine, acceptant de manière officielle la nomination de femmes au sein de leurs Conseils d’administration (ou Conseils des directeurs) jusqu’à hauteur d’un tiers de leurs membre en 1923.

 

Elle a croisé la Caisse d’Epargne… le saviez-vous ?

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C’est Marie Curie qui, à la fin du XIXe siècle, s’occupe du budget familial. Avec la rigueur du scientifique, elle consigne scrupuleusement l’ensemble des dépenses du foyer dans un carnet. Malgré des revenus encore modestes, les Curie arrivent ainsi chaque mois à réaliser quelques économies … qu’ils déposent à la Caisse d’Epargne. « Ils aménagent au mois d’octobre [1896] dans un appartement de trois pièces du treizième arrondissement au quatrième étage du 24 rue de la Glacière. En même temps qu’elle s’y installe avec quelques meubles récupérés dans la famille, Marie achète un grand livre de comptes où noter ses dépenses. Désormais, la moindre peccadille financière sera inscrite sur son carnet de bord. Avec une colonne pour les frais de Pierre, une colonne pour les siens, une troisième sera ouverte lorsqu’il y a aura des enfants. Salaire de la domestique, frais de bouche, réparations des bicyclettes, achat de groseilles et de sucre pour les confitures, bock que Pierre prend de temps en temps à l’extérieur, abonnement au théâtre de l’Œuvre [ … ], dépôts chaque mois du reliquat à la Caisse d ‘Epargne, rien n’échappe au livre. » (in Jeanine Trotereau, Marie Curie,« Folio biographie», Gallimard, 2011).

A l’aube du xxe siècle, à l’instar de Marie Curie, ce sont près de 8 millions de Français qui croisent alors la Caisse d’Epargne en tant que déposants. Le livret est en effet de loin l’actif le plus répandu dans l’ensemble de la population. En accordant en 1881 des facilités aux femmes mariées, qui se voient autorisées à user librement de leur dépôt de Caisse d’Epargne sans l’aval de leur époux, le législateur a par ailleurs consacré la démocratisation du livret, inscrite dans les origines. Cette avancée est révolutionnaire pour l’époque – il faut attendre 1965 pour que les femmes aient le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari. Elle est à l’image de la déposante Marie Curie, qui a su être pionnière dans bien des domaines longtemps restés masculinisés : première femme à recevoir le prix Nobel, première personne à le recevoir deux fois, première titulaire d’une chaire à la Sorbonne, première directrice d’un laboratoire, première femme à entrer au Panthéon…